Lire et étudier un texte littéraire : comment commencer ?
La première chose à faire pour réaliser un commentaire de texte est de lire et relire le texte proposé. Avec l’expérience, vous développerez votre propre méthode mais, pour commencer, voici une méthode rapide qui pourra vous aider.Première lecture : à la découverte du texte
- Suis-je, d’emblée, suffisamment à l’aise avec ce texte (son sens et sa forme) pour choisir de
l’analyser ?
- Vais-je choisir le commentaire de texte ?
- Si la réponse est oui, je peux passer à la seconde lecture.
Deuxième lecture : s’imprégner du texte
- De quoi parle le texte ? Quel est son sens général ?
- Quelle est sa forme générale (poème, poème en prose, récit, dialogue, etc.) ?
- Quels sont ses enjeux ?
- À quel genre littéraire appartient-il ?
- Est-ce un texte à part entière ou un extrait d’une oeuvre plus large ?
- Quelles sont ses grandes articulations ?
- Numéroter les lignes pour faciliter l’analyse et le commentaire.
- Noter également sur une feuille à part ce que je sais du texte et de son auteur, c’est-à-dire du
contexte d’écriture du texte à étudier.
Troisième lecture : qui parle ?
- Qui est le narrateur ?
- Qui sont les personnages ? Quelles sont leurs caractéristiques, comment évoluent-ils au fil du
texte ?
- De quel type de discours (narratif, descriptif, argumentatif, etc.) s’agit-il ?
- Pour mieux comprendre ces aspects discursifs, faire l’étude des pronoms dans le texte.
Quatrième lecture : dans quel cadre ?
- Selon quelle(s) unité(s) temporelle(s) le texte s’organise-t-il ? Y a-t-il ou non chronologie,
simultanéité, ruptures temporelles ?
- Quels sont les points de vue de l’auteur et du narrateur ?
- Pour mieux comprendre cet aspect, faire l’étude des temps et de leurs usages dans le texte.
Cinquième lecture : sur quel ton ?
- Quel est le ton général du texte ?
- Quels sont les procédés utilisés (figures de style, rythmes, sonorités, choix des mots) et quels
sont leurs effets sur le lecteur ?
- Quels sont les différents champs sémantiques qu’il est possible de repérer dans le texte ?
Lire et étudier un texte littéraire : le situer dans l'histoire littéraire
- Identifier les mouvements littéraires français, c’est avant tout connaître l’histoire littéraire française.
- Chaque écrivain a écrit à une époque précise, dans un contexte historique, littéraire et artistique. Il est important de savoir situer l’auteur dans son époque car il lui appartient et il est influencé par celle-ci.
- →Le réalisme se construit par exemple en réaction au romantisme. Il rejette l’expression des sentiments au profit d’une vision réaliste de l’homme dans la société.
- Les courants et mouvements littéraires ne sont pas non plus isolés du monde qui entoure les écrivains : ainsi certains mouvements sont pluridisciplinaires et touchent, comme le romantisme, tout autant la littérature que la peinture et la musique, ou même le mode de vie : l’homme romantique est, par exemple, l’homme idéal du XIXe siècle.
- Certaines oeuvres sont remarquables et caractéristiques d’un mouvement car elles ont marqué les esprits et l’histoire littéraire grâce à leur caractère novateur ou scandaleux.
- → La première représentation, le 21 février 1830, du drame de Victor Hugo Hernani déclenche une querelle littéraire appelée la bataille d’Hernani, opposant les partisans du classicisme et ceux du romantisme ; elle marque la naissance du drame romantique.
- D’autres oeuvres s’inscrivent dans la continuité esthétique d’un mouvement : → Les poètes de la Pléiade préfèrent la poésie lyrique, tandis que les naturalistes ont une prédilection pour le roman.
- Certains auteurs connaissent les mêmes thèmes et inspirations que leurs contemporains : → Le chevalier courtois est l’homme idéal médiéval, l’humaniste est l’homme de la Renaissance, l’honnête homme est le héros classique, le philosophe est l’homme des Lumières, etc.
- Il existe parfois, pour certains mouvements ou courants, des écrits (des manifestes) sur les principes, théories, doctrines, intentions littéraires communes à plusieurs auteurs.
- → Défense et Illustration de la langue française (1549) de Joachim Du Bellay pose les bases de la poésie de la Pléiade :
- « Quand je dis que la rime doit être riche, je n’entends qu’elle soit contrainte et semblable à celle d’aucuns, qui pensent avoir fait un grand chef-d’oeuvre en français quand ils ont rimé un imminent et un éminent, un miséricordieusement et un mélodieusement, et autres de semblable farine, encore qu’il n’y ait sens ou raison qui vaille : mais la rime de notre poète sera volontaire, non forcée ; reçue, non appelée ; propre, non aliène ; naturelle, non adoptive ; bref, elle sera telle que le vers tombant en icelle, ne contentera moins l’oreille qu’une bien harmonieuse musique tombant en un bon et parfait accord. »
- → La Préface de Cromwell (1827) de Victor Hugo pose quant à elle les principes du drame romantique :
- « Ce qu’il y a d’étrange, c’est que les routiniers prétendent appuyer leur règle des deux unités sur la vraisemblance, tandis que c’est précisément le réel qui la tue. Quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun à leur tour, comme s’ils s’étaient dit bucoliquement […] Mais, dira-t-on, cette règle que vous répudiez est empruntée au théâtre grec. En quoi le théâtre et le drame grecs ressemblent-ils à notre drame et à notre théâtre ? D’ailleurs nous avons déjà fait voir que la prodigieuse étendue de la scène antique lui permettait d’embrasser une localité tout entière, de sorte que le poète pouvait, selon les besoins de l’action, la transporter à son gré d’un point du théâtre à un autre, ce qui équivaut bien à peu près aux changements de décorations ».
- → Pour un nouveau roman (1963) réunit des articles d’Alain Robbe-Grillet sur le Nouveau Roman :
- « Nous en a-t-on assez parlé du « personnage » ! Et ça ne semble, hélas, pas près de finir. Cinquante années de maladie, le constat de son décès enregistré à maintes reprises par les plus sérieux essayistes, rien n’a encore réussi à le faire tomber du piédestal où l’avait placé le XIXe siècle. »
Les deux grands niveaux narratifs : l'auteur et le narrateur
Le niveau extratextuel : l’auteur
L’auteur est une instance à l’extérieur du texte. L’auteur (unique) adresse un message (le roman) au lecteur (multiple et changeant).
L’auteur est cependant double : il est l’homme concret qui vit dans un cadre socio-historique très précis, mais aussi l’homme abstrait qu’il devient en tant qu’écrivain, producteur du texte.
« Un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c’est au fond de nous-mêmes, en essayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir », disait Marcel Proust dans Contre Sainte-Beuve (la thèse de Sainte-Beuve défendait au contraire le lien nécessaire entre l’écrivain, son oeuvre et l’homme extérieur, les détails de sa vie). Si l’on considère la formule d’Arthur Rimbaud, « Car Je est un autre », il faut donc bien distinguer l’écrivain de l’homme, même si tous deux sont les deux faces d’une même pièce.
L’auteur prend d’ailleurs parfois la liberté de déguiser l’homme qu’il est civilement grâce à un pseudonyme (emprunt d’un autre nom, invention d’une seconde identité) ou à l’anonymat (refus de signer l’oeuvre).
Le niveau intratextuel : le narrateur
Le narrateur est un individu de papier (écrit, mis en scène par l’auteur), c’est une instance à l’intérieur d’un texte qui est censée avoir écrit ce texte. Il engendre un processus de communication avec le destinataire, le narrataire.
Le narrateur apparaît plus ou moins visiblement :
— Certains récits ne le font pas apparaître, ce sont des récits objectifs, neutres comme les récits historiques.
— Quelques récits ne font pas apparaître directement le narrateur (pas de « je »), mais laissent paraître des marques de sa présence (jugements, etc.).
— D’autres récits font explicitement apparaître le narrateur (« je », jugements, etc.) : celui-ci se manifeste sur le déroulement du récit (« je vais vous raconter ») et sur le contenu du récit.
Le narrateur est toujours intratextuel (il est dans le texte) mais peut être juste narrant (hors de l’histoire, on dit alors qu’il est extradiégétique), ou narrant et acteur à la fois (à l’intérieur de l’histoire, c’est-à-dire intradiégétique ; « Longtemps, je me suis couché de bonne heure… »).
Dans le cas de la véritable autobiographie, l’auteur est la même instance que le narrateur.
Le schéma narratif : fiche synthétique
Le schéma narratif est la structure sur laquelle reposent beaucoup de récits. Il est constitué de cinq étapes principales :
- La situation initiale (état initial)
- La complication ou l’élément transformateur ou perturbateur
- Les péripéties (qui provoquent la dynamique de l’action)
- La résolution ou le dénouement (retour à l’équilibre)
- La situation finale
Définir le schéma narratif permet de comprendre, de découper la structure du récit et éventuellement de le résumer. Faire ce schéma met en relief les moments clés du récit.
Le schéma narratif est en général constitué de 5 phases qui suivent le déroulement du récit :
Les temps narratifs : fiche synthétique
Il existe deux temps narratifs bien distincts : le temps de l’histoire racontée (celui qui est vécu par les personnages) et le temps de la narration, c’est-à-dire le déroulement du récit.
Les temps de la narration
Les temps qui sont utilisés dans le récit permettent de préciser les temps de la narration :
- lorsque le récit est au passé, on parle de narration ultérieure, c’est-à-dire que le narrateur raconte a posteriori les événements ;
- lorsque le récit est au présent, on parle de narration simultanée, le narrateur raconte alors les événements tels qu’il les perçoit au moment où il écrit (le récit peut contenir parfois des présents multiples : journal, lettres, etc.) ;
- lorsque le récit est au futur, la narration est dite antérieure, le narrateur anticipe ce qui pourrait se produire.
Les temps de l’histoire
Les temps de l’histoire sont marqués par :
- des indicateurs externes (c’est-à-dire indépendants de l’histoire racontée) directs (des dates, qui contextualisent les événements dans l’histoire par exemple) et indirects (des objets, des allusions à des modes, des événements historiques, etc.) ;
- des indicateurs internes-externes (le temps qui passe, l’âge, les mois, les jours, etc.) ;
- des indicateurs internes précis (le lendemain, deux jours avant, etc.), imprécis (ensuite, avant ; absence d’indicateurs temporels).
Rapport entre temps de la narration et temps de l’histoire
L’histoire est infinie, la narration, le récit (la « diégèse ») y met des limites :
- le choix du contenu (choix de ce qui va être raconté et de ce qui ne va pas l’être) ;
- l’ordre des événements (si l’histoire racontée est chronologique ou anachronique : la prolepse consiste à anticiper, l’analepse à faire un retour en arrière, un flash-back) ;
- la durée : on parle du temps de l’histoire et de l’espace textuel d’un récit. Ils ne sont pas les mêmes, et posent le problème de la vitesse du récit (variation des rythmes : accélération, ralentissement). Il existe plusieurs possibilités :
- lorsque l’espace textuel est à peu près équivalent au temps de l’histoire, c’est un dialogue ;
- lorsque l’espace textuel est supérieur au temps de l’histoire, on parle d’énoncé analytique (le baiser d’Albertine, dans la Recherche du temps perdu de Marcel Proust) ;
- lorsque l’espace textuel est inférieur au temps de l’histoire, il s’agit plutôt d’un résumé ;
- lorsque l’espace textuel est inexistant, c’est une ellipse du temps de l’histoire ;
- lorsque le temps de l’histoire est figé, on reconnaît une description.
- la fréquence : quand il y a une relation de répétition entre les séquences du récit et les événements de l’histoire. Il existe plusieurs possibilités :
- on raconte une fois ce qui s’est passé une fois : c’est un énoncé singulatif ;
- on raconte plusieurs fois ce qui s’est passé une fois : c’est un énoncé répétitif (procédé utilisé par Raymond Queneau dans ses Exercices de style) ;
- on raconte en une fois ce qui s’est passé plusieurs fois : c’est un énoncé itératif (« Longtemps je me suis couché de bonne heure… », première phrase de la Recherche du temps perdu de Marcel Proust) ;
- on raconte plusieurs fois ce qui s’est passé plusieurs fois : c’est un énoncé anaphorique (rare).
Le schéma actanciel : fiche synthétique
Le schéma actanciel (ou actantiel) présente les forces agissantes, les actants, d’une histoire : les rapports de force qui font avancer l’action. Il permet d’identifier les forces qui poussent, aident ou contrarient le héros ou les personnages dans leurs actions.
Le schéma actanciel du linguiste français Julien Greimas propose six forces :
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